SUR CE, LE CONSEIL
Après avoir entendu le demandeur, en ses dires, explications, moyens et conclusions ,
Vu les pièces versées au dossier,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
A rendu le jugement suivant :
Sur la rupture du contrat de travail
Aux termes de l’article L.1231-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu par l’une ou l’autre des parties.
Il est constant que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite de la relation contractuelle. Il appartient au salarié d’en établir la réalité et la gravité.
Selon l’article L.1235-1 du Code du travail, lorsque de tels manquements sont établis, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au soutien de sa demande, Monsieur [DEMANDEUR] expose avoir été contraint de rompre le contrat de travail en raison du non-paiement répété de ses salaires.
En l’espèce, Monsieur [DEMANDEUR], qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur par lettre du 9 août 2024, reproche à la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION de n’avoir pas réglé ses rémunérations de mars à août 2024, en violation des dispositions de l’article L.3242-1 du Code du travail.
Le contrat de travail stipule que Monsieur [DEMANDEUR] devait percevoir une rémunération brute mensuelle de 2.625,00 €.
Pour établir ses griefs, Monsieur [DEMANDEUR] verse aux débats ses bulletins de salaire de janvier à août 2024 et des décomptes précis établissant le montant des sommes dues pour chaque mois. Le total des sommes brutes réclamées s’élève à 8.122,07 €, outre 5.359,71 € au titre des congés payés afférents.
Monsieur [DEMANDEUR] produit également plusieurs mises en demeure adressées à son employeur, en dates des 20 mai 2024, 17 juin 2024 et 5 août 2024, restées sans réponse, l’ordonnance de référé du 9 juillet 2024 condamnant l’employeur au paiement d’une provision ; deux courriers de l’Inspection du travail, en dates des 13 septembre 2024 et 7 octobre 2024, rappelant à l’employeur ses obligations et l’invitant à régulariser la situation du salarié ; un échange de correspondance avec Monsieur [DIRIGEANT], Président de la société.
En outre, il est établi que l’employeur a perçu, sans en reverser le montant au salarié, une indemnité d’activité partielle d’un montant de 1.303,10 € pour le mois de juillet 2024, destinée à compenser la perte de revenus de Monsieur [DEMANDEUR].
Aucun élément versé aux débats ne vient contredire les affirmations du salarié, notamment quant au non-paiement de ses salaires de mars à août 2024, et ce malgré les démarches amiables entreprises, les mises en demeure adressées à l’employeur, l’intervention de l’Inspection du travail ainsi que l’ordonnance de référé rendue par le Conseil de prud’hommes de Tarbes le 9 juillet 2024.
Il ressort des pièces produites que le manquement de l’employeur a porté sur plusieurs mois d’impayés salariaux, représentant des sommes importantes au regard de la rémunération contractuelle du salarié, compromettant ses ressources essentielles.
La répétition de ces impayés, et l’absence de réaction de l’employeur malgré les sollicitations amiables et judiciaires du salarié démontrent une inexécution particulièrement grave de l’obligation de loyauté et de paiement de la rémunération.
Ces manquements, établis par des éléments précis, concordants et contemporains de la rupture, rendent impossible la poursuite de la relation de travail.
Il convient dès lors de requalifier la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L.1235-1 du Code du travail.
Sur les rappels de salaire et congés payés
Sur le fondement de l’article L.3242-1 du Code du travail, le salarié a droit au paiement intégral de son salaire correspondant au travail accompli.
Comme il ressort des pièces précédemment examinées, Monsieur [DEMANDEUR] est fondé à obtenir le paiement des salaires impayés de mars à août 2024 pour un montant total brut de 8.122,07 € ainsi que la somme de 5.359,71 € bruts au titre de l’indemnité de congés payés correspondant aux congés payés acquis et non pris, soit 45,5 jours au titre de l’année N-1et 6 jours au titre de l’année N.
Il est précisé que si le demandeur réclamait initialement 818,20 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire, le Conseil a pu constater que cette somme est en réalité incluse dans les 5.359,71 € figurant sur le bulletin de salaire d’août 2024 relatif au solde de tout compte.
En conséquence, Il y a lieu de condamner la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [DEMANDEUR] la somme de 8 122,07€ au titre de rappel de salaire de mars 2024 à août 2024 et de 5359,71 € au titre de l’indemnité de congés payés afférents et des congés payés acquis et non pris sur l’année N-1.
Sur les indemnités de rupture
Le contrat de travail produit par le demandeur a débuté le 14 novembre 2022 et a été rompu le 9 août 2024.
En conséquence, le Conseil constate que l’ancienneté de Monsieur [DEMANDEUR] au moment de la rupture est donc exactement 1 an et 8 mois, indépendamment des mentions erronées dans les écritures.
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l’article L.1235-3 du Code du travail, le salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité réparatrice, dont le montant est fixé en fonction de l’ancienneté du salarié et de son salaire brut.
En l’espèce, Monsieur [DEMANDEUR] justifie d’une ancienneté de 1 an et 8 mois au moment de la rupture et d’une rémunération brute mensuelle de 2.625,00 €. Le Conseil de prud’hommes estime que cette indemnité peut être justement fixée à la somme de 2.625,00 € bruts.
Il convient donc de condamner la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION, prise en la personne de son représentant légal, au paiement de cette somme.
Indemnité légale de licenciement
Aux termes de l’article L.1234-9 du Code du travail, en l’absence de faute grave, tout salarié ayant au moins huit mois d’ancienneté ininterrompue dans l’entreprise bénéficie d’une indemnité légale de licenciement.
En application de l’article 4.5 de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 16 juillet 2021, cette indemnité est égale à un quart de mois de salaire brut par année d’ancienneté, proratisée.
En l’espèce, Monsieur [DEMANDEUR] ayant régulièrement pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison des graves manquements de son employeur, il est fondé à réclamer la somme de 1.093,75 € bruts au titre de l’indemnité de licenciement.
La société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION, prise en la personne de son représentant légal, sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme.
Indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
L’article L1234-1 du code du travail dispose » Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :[…} 2° Sil justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois ; Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié ».
Et l’article L1234-5 du code du travail dispose que » Lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, a une indemnité compensatrice. L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L. 1235-2″.
En vertu de l’article 4.2 de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, applicable à la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION, la durée du préavis pour les salariés ETAM est fixée à un mois pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté.
En l’espèce, Monsieur [DEMANDEUR], engagé en qualité de dessinateur-projeteur (position 2.2, coefficient 310, statut ETAM), a pris acte de la rupture de son contrat de travail, en invoquant des manquements imputables à son employeur. Sa prise d’acte ayant été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est fondé à solliciter l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis.
Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération mensuelle brute de 2.625,00 €, il convient de condamner la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser cette somme au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 262,50 € bruts au titre des congés payés afférents.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
En application de l’article L.1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, chaque partie devant respecter ses obligations contractuelles.
L’employeur est notamment tenu, conformément à l’article L.3242-1 du même code, d’assurer le paiement régulier du salaire.
En l’espèce, les manquements graves de la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION à son obligation essentielle de rémunération, tels qu’établis par les éléments précédemment analysés, caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail.
Monsieur [DEMANDEUR] justifie avoir été contraint de contracter un prêt pour pallier le défaut de revenus et établit avoir subi d’importantes difficultés financières résultant de cette situation.
Il ressort également des pièces versées aux débats que Monsieur [DEMANDEUR] a entrepris plusieurs démarches amiables en vue d’obtenir le règlement de ses salaires, demeurées infructueuses, avant d’être contraint d’engager une procédure judiciaire.
Par ailleurs, il est établi que l’employeur a perçu, sans en reverser le bénéfice au salarié, la somme de 1.303,10 € au titre de l’indemnisation de l’activité partielle pour le mois de juillet 2024.
Il y a lieu, en conséquence, d’allouer à Monsieur [DEMANDEUR] la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la remise des documents de fin de contrat
En application de l’article L.1234-20 du Code du travail, l’employeur doit établir un reçu pour solde de tout compte faisant l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Ce document peut être dénoncé par le salarié dans les six mois suivant sa signature.
Aux termes de l’article R.1234-9 du même code, l’employeur est également tenu de remettre au salarié l’attestation destinée à France Travail lui permettant de faire valoir ses droits aux prestations de chômage, ainsi que de la transmettre sans délai à l’opérateur public.
En l’espèce, il ressort des pièces produites que la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION n’a pas remis à Monsieur [DEMANDEUR] l’intégralité des documents sociaux afférents à la rupture de son contrat, à savoir le reçu pour solde de tout compte et l’attestation France Travail.
Compte tenu de ces manquements, il y a lieu d’ordonner à la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION de remettre ces documents à Monsieur [DEMANDEUR].
Afin de garantir l’exécution de cette obligation, il y a lieu de prononcer une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du présent jugement.
Enfin, la demande de Monsieur [DEMANDEUR] tendant à obtenir des dommages et intérêts distincts pour la non-remise des documents sera rejetée, faute de démonstration d’un préjudice autonome.
Sur l’exécution provisoire
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision en sus de ce qui est prévu par l’article R.1454-28 du Code du travail, qui s’applique de droit.
Sur l’article 700 du CPC
La demande du salarié fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile est rejetée.
Sur les dépens
Conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la société SAS ÉLÉMENTS ÉVOLUTION, partie perdante, sera condamnée aux dépens.